Vivre en altitude affecte notre corps, notre peau ou encore notre respiration, mais est-ce aussi le cas pour les aliments que nous consommons au quotidien ?

C’est lors du tout premier atelier œnologique de l’Alpen Art que j’ai eu l’occasion de rencontrer Cassandre, la sommelière de ce salon du goût pour qu’elle me partage toutes ses connaissances sur le sujet. Jeune et diplômée de l’école de sommellerie de Tain l’Hermitage (Drôme), Cassandre partage son plaisir du vin auprès de sa clientèle.

Du vin en Savoie ?

Autrefois riche en vignes, les montagnes de Savoie ne possèdent plus vraiment de culture en altitude et cela à cause des guerres et de l’industrialisation de la société. Aujourd’hui, on retrouve les derniers pieds résistants à 600 mètres contre 1 000 mètres auparavant. La Savoie a surtout la chance de posséder un climat régulé, qui permet une maturité plus tardive avec des vendanges qui se font maintenant vers fin septembre.
Pour info, il est possible de trouver des vignes à 1 500 mètres d’altitude en Suisse !

Le vin change-t-il en altitude ?

Dégustation Vin Cavaillé

Comme vous le savez, en altitude, il y a moins d’oxygène et la pression atmosphérique est plus basse. Un vin vieillit plus vite, mais devient plus riche et se développe à la fois en goût et en intensité avec des saveurs et des arômes plus prononcées.
Transporter un vin conçu en vallée dans une station comme Val Thorens (2300 mètres d’altitude) lui vaut 15 jours d’adaptation avant de pouvoir être dégusté correctement.

Comment conserver mon vin en montagne ?

La conservation du vin en altitude est très différente à celle réalisée en vallée. En effet, là où à Lyon l’hygrométrie est mesurée à 70/80%, elle est estimée à 10% sur Val Thorens et ce qui explique l’air très sec ressenti.

Pour ceux qui ne possèdent pas de cave et qui souhaitent quand même conserver leur vin, Cassandre conseille d’humidifier régulièrement le sol du local où sont stockées les bouteilles. Un gros saut d’eau placé près de votre collection fera aussi l’affaire.

Entreposer sa bouteille sur le balcon de l’appartement, sous prétexte de lui faire prendre le frais, ça ne sert à rien… Les températures très négatives risquent fortement de lui faire perdre tout son goût.

Les conséquences d’un vin mal conservé en haute montagne se ressentent principalement sur l’état du bouchon lorsque celui-ci devient trop sec :

Il peut se rétracter, devenir plus petit et donc favoriser les coulures (lorsque le vin s’échappe)
Le goût du bouchon peut se ressentir dans le vin
Le bouchon peut se briser plus facilement lors de l’ouverture


Quels vins avec quels plats ?

Il est toujours difficile d’accorder tel plat avec tel vin. Pour répondre à ce genre de problématique, Cassandre suit une règle précise : un vin local avec un plat local. Selon elle cet accord gastronomique est toujours cohérent et porte ses fruits lors du repas. Majoritairement, ce qui importe c’est la qualité des produits.

Voici ses recommandations pour des plats typiquement savoyards :

– Pour les plus typiques, un tartare classique d’omble chevalier (poisson de lac d’eau douce) s’accompagne d’une roussette de Savoie (blanc), issue d’un cépage Altesse.


– Pour les plus traditionnels, une fondue s’accordera parfaitement avec un Apremont (blanc) et une raclette avec un Apremont « Anno Domini » de Jean Noël Blard. Un vin fruité et minéral avec une finale un peu saline, très désaltérant.


– Une planche apéritive charcuterie/fromage s’accordera avec la cuvée Paroxysme de Julien Viana du cellier de la baraterie (assemblage Mondeuse noire pinot noir et gamay) 2015. Le vin est rafraîchissant, juteux et très fruité.


*Les ateliers œnologiques sont organisés deux fois par mois à partir de 19h à l’Alpen Art, place Caron. Prix : 18 euros.  Se renseigner auprès de l’Alpen Art pour toute inscription ou demande d’information. Contact Aurélie Rey  06 11 11 93 87.

Et la nourriture alors ? A 2300 mètres, pour manger bon, il faut manger des produits frais !

L.Brochot
goûter Savoyard sur la terrasse de La Maison

Éric Darut, chef cuisinier au restaurant la Maison à Val Thorens, nous parle des contraintes qu’il rencontre au quotidien dans sa cuisine face à l’altitude.


La première est le temps de cuisson. A Val Thorens l’eau bout à 85° contre 100° en plaine, cela rallonge donc les temps de préparation pour que les aliments soient cuits. Par exemple, Éric explique que le riz prend dix minutes de plus à cuire à Val Thorens. La réalisation d’un risotto est alors beaucoup plus longue. Le chef doit jouer constamment avec les températures en augmentant ou réduisant les degrés.


Deuxième contrainte : l’air sec ! Après avoir tenté la réalisation de brioches, les chefs se sont rendus compte que la conception était trop compliquée car elles séchaient beaucoup trop vite à cause de l’air sec de la montagne. De vrais étouffe-chrétiens en soit ! Ce problème influence directement le choix de la carte des desserts disponibles.


Ainsi, en altitude, la durée limite de consommation de produits finis est toujours en lien avec l’air sec. Avec une fermentation très rapide, il faut consommer quasi immédiatement les plats cuisinés afin de ne pas les gâcher et cela concerne principalement les desserts qui sèchent beaucoup plus vite. Une bonne excuse pour les gourmands !

La recette de la pâte à pizza subit aussi quelques changements face à l’altitude. Éric éclaircit sa pâte en y ajoutant moins de levure que prévu, la pâte gonfle alors de manière moins rapide mais sèche également moins vite. La fraîcheur des pâtes est indispensable pour éviter qu’elles ne croûtent illico presto.


Au niveau des contraintes annexes, l’approvisionnement de produits frais est souvent problématique, majoritairement à cause de la route mais aussi de la météo. Ainsi, le restaurant la Maison reçoit ses viandes une fois par semaine. Il y a alors un gros travail d’organisation sur les réserves des provisions et denrées alimentaires.


Pour finir le Panoramic Caron basé à 3 200 mètres au sommet de la Cime Caron, ne peut faire aucune cuisson à une telle altitude et l’approvisionnement est une tâche plutôt délicate car complètement dépendante de la météo et de l’ouverture du téléphérique !

Il est maintenant certain que l’altitude nous joue des tours sur tous les points, mais le plaisir de la montagne vaut bien quelques efforts. 

S.Cande
Moment chaleureux autour d'un petit déjeuner

 

Thématiques

Ce contenu vous a été utile ?